HERAUD, Marcel (1919-2019)

Héraud, Marcel (1919-2019)


Le 25 avril 2019, le Dr Marcel Héraud nous a quittés. Discret et effacé aurait-il apprécié d’être mis à l’honneur le 14 octobre prochain, date à laquelle il aurait eu 100 ans ?

Ayant obtenu à l’âge de 17 ans le Baccalauréat, il s’orientait vers une carrière médicale qui débutait par une année préparatoire déjà nommée le PCB. D’emblée, deux matières vont le passionner et le conforter dans le choix d’une carrière médicale : la chimie et la biologie des êtres vivants.

En novembre 1937, il entre donc en 1ère année de Médecine. A cette époque, l’effectif était de 70 à 80 « carabins » dont seulement 4 filles. Il suivra ensuite un parcours d’enseignement universitaire sans problème. Jamais il ne connaitra un échec à un examen ou à un concours.

Dès la 1ère année de Médecine, il prépare l’Externat et ensuite il sera reçu Major à la première tentative de concours d’Internat. Rappelons que ses conférenciers avaient pour noms : M. Linquette, E. Laine, J. Paris et P. Bastien. A cette époque les internes expérimentés sont rares, car, en raison des événements 39-40, ils sont sous les drapeaux. Appartenant à la classe 39, M. Héraud sera mobilisé en 1944. D’emblée en 1940 il accepte un poste dans le service du Pr Lambret qui avait créé puis dirigé le Centre anti-cancéreux. Ce centre, d’une vétusté qu’on ne peut imaginer (rue du Croquet à Lille), aura pour seul locataire M. Héraud dont la chambre  pour interne sera située au-dessus de la morgue. Intrépide comme le sont souvent les timides, il affronte la forte personnalité du Patron dont les qualités sont légendaires. Il osera devenir son aide opératoire et ensuite son anesthésiste. Il sera un des seuls à supporter l’humeur de son Maître. Anxieux mais jamais paniqué, il vivra mal les conséquences parfois dramatiques du masque d’Ombrédanne et surtout du mélange de Schleich qui pouvait entrainer la redoutable « syncope blanche mortelle ». Il s’attribuait à cette époque le titre « d’étudiant aguerri ».

Après avoir été moniteur puis chef de clinique il est attiré par la pathologie du tube digestif. Il sera au départ le collaborateur du Pr Auguste qui, depuis le 1er février 1942, est titulaire de la chaire de chirurgie médicale. Dès 1946, le Patron au caractère difficile avec ses colères dantesques bien connues va demander à M. Héraud de diriger la consultation du service avant de réussir, en 1952, le concours d’assistant des hôpitaux. Il terminera sa carrière comme médecin assistant du Centre Hospitalier. En 1984, il est élu Président de la Société de Gastroentérologie du Nord et en janvier 1985, il prend sa retraite.

Cette présentation professionnelle d’un exceptionnel parcours doit être complétée par les descriptions des autres facettes multiples de sa personnalité. Il faut d’abord évoquer l’artiste, violoniste de bon niveau dans sa jeunesse, il se consacra dès sa retraite à la peinture prenant des cours de dessin auprès d’artistes locaux connus. Du crayon au fusain, il passera ensuite au pastel et enfin à la peinture à l’huile. Ses œuvres étaient toujours inspirées par des thèmes apaisants créant chez lui des émotions qu’il souhaitait transmettre. Il faut y ajouter ses talents de numismate dont il fit profiter la Société numismatique du Nord.

Il faut surtout rappeler l’historien visitant les bouquinistes et fouillant les archives locales et régionales. Il adhéra peu après leur création à des associations comme celle du Musée Hospitalier Régional de Lille et celle des médecins retraités. Ayant la plume facile, il multipliera les articles dans la presse et signera bon nombre d’éditoriaux à l’intention de différentes revues. Il mena une recherche approfondie sur l’histoire de Lille qui l’amènera à écrire deux ouvrages dont l’un s’intitulait Le quartier Saint Michel et son Histoire. Il l’affectionnait particulièrement et le qualifiait de « quartier latin lillois ».

C’était aussi un penseur comme en témoigne la conclusion de l’un de ses éditoriaux : « Le médecin se doit de garder une bonne dose d’humilité car son art n’est pas une science exacte et sa croyance en sa toute-puissance est éloignée de la réalité. Avec conscience et sagesse, il soigne, il s’efforce de guérir, toujours préoccupé de soulager et réconforter l’homme souffrant. »

Pour nous Médecins, nous garderons le souvenir d’un Dr Marcel Héraud, grand clinicien qui a su transmettre son savoir et son expérience.  

Texte rédigé par le Dr Pierre Herlemont

Publié dans la Lettre d'information de l'Association du Musée Hospitalier Régional de Lille, n° 25. Septembre 2019.